Dans la suite de notre précédent article qui mettait en lumière l’introduction du Bilan de Prévention et d’Accompagnement Parental (BPA) et son rôle crucial dans le soutien aux familles, nous souhaitons aujourd’hui nous pencher sur les avantages concrets de cet acte pour notre profession d’orthophoniste. Le BPA, introduit via l’avenant 19, est valorisé à hauteur de 50€ (AMO 20) et de 52€ en métropole depuis janvier 2024. C’est une véritable reconnaissance de notre expertise en matière de prévention et d’accompagnement. Il représente un tournant, nous permettant d’intégrer des temps de conseil rémunérés dans nos pratiques.
Au-delà de la rééducation : un suivi personnalisé et adapté
L’un des intérêts majeurs du BPA réside dans sa flexibilité, qui nous permet de proposer un accompagnement pertinent même en l’absence de troubles avérés nécessitant une rééducation longue. Il est particulièrement adapté aux enfants présentant des « fragilités » plutôt qu’un trouble établi. Cet acte est précieux pour les patients dont les séances de rééducation ont pris fin, ou pour ceux qui sont sur liste d’attente, offrant une alternative au temps de conseil « entre deux portes ».
Le but général de l’entretien clinique d’aide et de conseil est de faire cheminer le parent sur les interactions avec son enfant. L’objectif est d’accompagner une démarche de changement en trouvant des situations de vie favorables aux échanges entre enfant et parents, que ces échanges soient au niveau sémantique, pragmatique, syntaxique ou implicite.
Pour les orthophonistes, le BPA offre la possibilité de :
- Faire le point sur l’évolution du patient : Si vous avez suivi un patient par le passé et que les séances ont été arrêtées, le BPA permet de vérifier son évolution et de discuter des progrès réalisés ou des nouvelles difficultés rencontrées. Il est possible de pratiquer un nouveau BPA ou un bilan diagnostic si l’orthophoniste le juge nécessaire à plus long terme.
- Renforcer l’autonomie parentale : Plutôt que de laisser les parents sans solution face à une inquiétude, le BPA nous permet de les écouter, de cerner leurs difficultés et de leur offrir des conseils de prévention personnalisés, des outils et des informations concrètes. L’entretien clinique d’aide et de conseil repose sur l’écoute active, les relances bienveillantes et la reformulation pour faciliter l’expression du parent. Il vise à aider le parent à trouver ses propres ressources et solutions, évitant les jugements ou les solutions toutes faites. Il permet de soutenir les parents en mettant l’accent sur les réussites.
- Détecter des besoins ultérieurs : Si, après l’entretien, l’orthophoniste estime qu’un bilan orthophonique diagnostic plus complet est nécessaire, le BPA permet de poser cette première pierre et d’orienter le patient vers les soins adaptés ou d’autres professionnels médicaux. Si l’ordonnance date de moins d’un an, elle peut être renouvelée par l’orthophoniste pour un bilan diagnostic. Il n’y a d’ailleurs pas de délai minimum à respecter pour revoir un patient après un BPA.
Un acte rémunéré qui valorise notre rôle d’expert
Le BPA nous permet de valoriser un temps de conseil et d’écoute qui était auparavant souvent non rémunéré. C’est le premier acte de prévention à entrer dans la nomenclature. Il reconnaît notre rôle d’expert en prévention, comme le stipule déjà le décret de 2002 encadrant notre profession.
Concrètement, la mise en place d’un BPA est simple
- Une prescription médicale classique « Bilan orthophonique et rééducation si nécessaire » ou « Bilan orthophonique d’investigation » suffit.
- L’entretien, d’une durée recommandée de 45 minutes, se déroule sans épreuves formelles, l’accent étant mis sur l’échange et le conseil. La consultation présentielle se déroule sous forme d’entretien clinique d’aide et de conseil. L’aménagement de l’espace, comme une table ronde ou sans table, permet d’observer l’enfant et de prendre des notes.
- Une note synthétique doit être rédigée et transmise au médecin prescripteur, reprenant la plainte initiale, les conseils donnés et les éventuelles orientations. Cette note n’est pas soumise à une architecture conventionnelle spécifique.
- Il ne doit pas être suivi directement de séances de rééducation. Il est substitutif à la réalisation d’un bilan orthophonique si l’orthophoniste ne l’estime pas opportun.

En conclusion, l’entretien clinique est un élément essentiel du Bilan Orthophonique de Prévention et d’Accompagnement Parental. En offrant un espace d’écoute et de soutien, il permet au parent de s’exprimer librement et de collaborer avec l’orthophoniste pour trouver des solutions adaptées à ses besoins spécifiques.
En conclusion,
Le BPA est une avancée significative qui enrichit notre pratique professionnelle. Il nous donne les moyens de répondre plus efficacement aux besoins des familles, de fluidifier l’accès aux soins et de souligner notre rôle essentiel dans la prévention et l’accompagnement parental. En intégrant cet acte, nous affirmons notre expertise et contribuons à une prise en charge plus pertinente et proactive.
Sources :
▪ Bernicot, J. (2014). L’acquisition du langage par l’enfant (2e éd.). In Press.
▪ Canut, E., Masson, C., & Leroy-Collombel, M. (2018). Accompagner l’enfant dans son apprentissage du langage : De la recherche en acquisition à l’intervention des professionnels. Hachette.
▪ Délégation interministérielle à la stratégie nationale pour l’autisme au sein des troubles du neuro-développement. (s.d.). Détecter les signes d’un développement inhabituel chez les enfants de moins de 7 ans.
▪ Florin, A. (2020). Annexe. Dans A. Florin, Le développement du langage (pp. 117-119). Dunod.FNO.
▪ ARBRE DÉCISIONNEL DU BILAN DE PRÉVENTION ET D’ACCOMPAGNEMENT PARENTAL
▪ L’ORTHOPHONISTE. (2024, Mars). N° 437. ORTHOEDITION, FNO.